Lectures 2018 – seconde partie

Dans le jardin d’Iden, Kage Baker

Ce bouquin je l’ai pioché dans la caisse de livres que mon frère prévoit de vendre en vide-grenier ou sur internet, pour passer le temps pendant le démarrage de mon ordinateur, c’est dire mon niveau d’attente quand je l’ai commencé. J’étais attiré par le fait qu’il s’agissait d’un roman historique et de science-fiction, genres qui peuvent être très distrayants quand ils sont bien écrits, ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas. Finalement ce fut une bonne surprise. Cette histoire de voyage dans le temps m’a rappelé l’époque où j’étais adolescent et où je dévorais les livres de Philippe Ebly, Odile Weullerse, Evelyne Brisou-Pellen… L’intrigue n’est pas vraiment originale mais elle est raconté avec humour et j’ai été pris aussi bien par celle-ci que par les sentiments des personnages. Cela m’a permis de passer un bon moment, ce qui n’est déjà pas si mal.

 

Walden ou la vie dans les bois, Henry David Thoreau

Thoreau est un philosophe qui revient à la mode et pour cause. Dès les premières pages il remet en question, au XIXème siècle, tout les aspects de la société industrielle dont le grand public commence à seulement apercevoir les limites au début du XXIème siècle. En allant vivre seul dans la forêt, dans une maison qu’il construit de ses propres mains au bord d’un lac dont le nom inspirera celui de son livre, il rompt avec la plupart des aspects de la civilisation. En premier lieu il assimile le salariat à une forme d’esclavage, à un moment où celui-ci commence à faire polémique aux États-Unis d’Amérique. Puis il détaille de façon concrète et chiffrée son budget mensuel extrêmement restreint, ce qui lui permet de vivre en autonomie avec la pêche et l’agriculture. Pourquoi dépenser tant d’argent dans de nouveaux vêtements, quand ceux-ci ne protègent pas mieux que les précédents mais ont seulement pour objectif de suivre la mode ? Voilà une question qui est bien d’actualité… En restant le plus clair de son temps au contact de la nature il développe un don d’observation de celle-ci et s’interroge sur la profondeur du lac, ses courants sous-marins, son histoire, les animaux qui y vivent… Son indépendance d’esprit par rapport aux conventions lui permet de vivre libre, c’est à dire en total accord avec son caractère. Malgré un style parfois difficile et peu engageant, ce livre m’a profondément marqué et j’y ai beaucoup pensé lorsque j’ai passé une semaine dans la nature au bord d’un lac lors d’une retraite bouddhiste. Au point que je vais peut être dans un avenir proche le relire, voir commencer un travail artistique à ce sujet.

 

Prenez le temps d’e-penser, Bruce Benamran

Avant La science du Disque-Monde (cf article précédent), la chaine youtube e-penser que je recommande chaudement à toute personne un minimum curieuse de savoir comment fonctionne le monde (peut être juste ne pas commencer par la théorie de la relativité générale si vous n’avez aucune notion en physique…), a été le premier vecteur grâce auquel j’ai découvert que la science pouvait être une chose passionnante. En effet, inspiré par des initiatives similaires venant des pays anglo-saxons, Bruce Benamran prend souvent le biais de l’histoire scientifique et de ses découvreurs, pour nous expliquer avec beaucoup de pédagogie les questions qu’ils se sont posés et ce qui les a amenés aux conclusions que nous connaissons aujourd’hui. Rien à voir donc avec le fait d’essayer de nous faire apprendre par cœur des règles sans chercher à nous en faire comprendre l’intérêt, comme ce fut le cas de mes professeurs en science pendant l’ensemble de ma scolarité, en grande partie probablement à cause de la manière dont sont conçus les programmes et l’enseignement de manière générale. A la lecture, j’ai commencé par être légèrement déçu étant donné que les chapitres recoupaient exactement les sujets des vidéos de l’auteur, qui est très à l’aise pour les rendre divertissantes à regarder. Cela n’a d’ailleurs rien d’étonnant, puisque le lecteur ne fait pas forcément partie des personnes qui suivent son travail sur internet et qu’il s’agit des thèmes majeurs abordés par les ouvrages de vulgarisation scientifique comme je m’en suis aperçu par la suite. Cependant, après une petite période d’adaptation, j’ai aussi trouvé un certain plaisir à pouvoir avancer à mon rythme. Cela m’a semblé également un peu moins profond que l’ouvrage de Terry Pratchett sus-cité (non, ce n’est pas une insulte) mais l’objectif n’est pas le même, puisque ce dernier n’effectue pas un tour d’horizon des principales connaissances permettant d’avoir une culture scientifique de base. Et j’ai eu un sourire lorsque je me suis aperçu que la carte de transport d’un collégien avait été oublié dans l’exemplaire que j’avais emprunté à la bibliothèque. Un futur savant, peut être ?

 

Expédition à l’île Maurice, Patrick O’Brian

Patrick O’Brian n’est pas un écrivain irlandais comme son pseudonyme ne l’indique pas mais une référence, si ce n’est la référence, en ce qui concerne les récits de marine. Il a écrit une série de romans qui relate les aventures et l’amitié improbable entre un fougueux capitaine de la Royal Navy et un médecin passionné de zoologie, au début du XVIIIème siècle. Certains ont d’ailleurs fait l’objet d’une adaptation avec l’excellent Master and Commander où Russel Crowe campe un incroyable Jack Aubrey, si bien qu’il m’a été impossible d’imaginer le personnage principal d’une manière différente. Comme à son habitude l’auteur remplit sa part du contrat avec une histoire inspirée d’une réelle campagne anglaise dans l’Océan indien, des combats navals racontés avec une redoutable précision et une connaissance sans faille du contexte historique. Les descriptions psychologiques sont aussi d’un grand intérêt, celles des personnages principaux évidemment qui évoluent avec le temps d’un livre à l’autre, mais aussi celles des autres capitaines dont les personnalités influent lourdement sur la guerre. Il m’est arrivé je dois l’avouer d’être perdu de temps dans les termes techniques ou d’avoir l’impression d’un trop-plein de descriptions maritimes, mais je compte bien à l’avenir reprendre le large en si bonne compagnie.

 

Le syndrome de l’autruche, George Marshall

George Marshall est un militant écologiste qui depuis des années essaye d’éveiller les consciences sur le changement climatique. Dans ce livre, il part du constat d’un échec collectif à appréhender ces questions et tente d’en comprendre les causes, c’est à dire « Pourquoi notre cerveau veut ignorer le changement climatique », comme l’indique le sous-titre. En effet, l’auteur est convaincu que contrairement à la majorité des combats écologiques, qui opposent les intérêts privés de grands groupes à celui de la population, notre absence de réaction face à cette menace majeure pour l’humanité trouve ses raisons premières ailleurs. Il les aborde l’une après l’autre au cours des 42 chapitres qui jalonnent sa démonstration : biais cognitifs, polarisation du débat, histoire de l’évolution, tabous sociaux, intérêts économiques (quand même), erreurs de communication… Malgré un style vivant et l’aspect passionnant de beaucoup des sujets abordés, il m’a fallu plusieurs mois pour finir ce livre nécessaire, à cause de son épaisseur… et peut être du caractère anxiogène de ce sujet et de la difficulté à regarder la vérité en face, dont il parle justement. Après tout comme l’a écrit Nietzsche « Si tu plonges longtemps ton regard dans l’abîme, l’abîme te regarde aussi. »

 

Une danse avec les dragons, George R. R. Martin

Pour beaucoup, Game of Thrones est avant tout une série télévisée et je ne leur jette pas la pierre étant donné que j’ai découvert cet univers de cette manière. Cela n’empêche pas qu’il s’agit d’abord d’un cycle de romans de fantasy bien plus complexe que la version par ailleurs très réussie de HBO. Lorsque j’ai trouvé ce tome dans une étagère de livres en libre service à la MJC Jean Macé à Lyon où je présentais une exposition, je l’ai montré à une amie qui a fait une moue de dédain sous prétexte qu’il s’agissait de « littérature facile », reproduisant le mépris d’une partie de ceux qui possède la culture classique de la littérature dite « blanche » pour les récits de « genre ». Cela m’a permis cependant de remettre mon jugement en question. Qu’en est-il réellement ? Certes, le style n’est pas la priorité de l’auteur qui aurait pu parfois délayer et on ne retrouvera pas ici la recherche formelle d’un Flaubert, mais c’est une caractéristique commune à de nombreux grands écrivains et très rares sont ceux qui arrivent à déployer une histoire d’une telle ampleur. Ne faisons pas la fine mouche, car sa (re)lecture a considérablement raccourci le long trajet en train qui m’attendait le lendemain. A quand la suite ?

 

Entre deux mondes, Olivier Norek

J’ai été attiré par cette histoire pour une seule raison. Durant deux semaines juste avant sa destruction par les services de l’état et le déplacement de sa population, j’ai été bénévole humanitaire dans la Jungle de Calais, expérience marquante dont j’ai tiré une nouvelle. Le polar d’Olivier Norek qui se passe en grande partie dans ce bidonville aujourd’hui disparu m’intriguait, d’autant plus qu’il avait d’excellentes critiques. Alors ? Dès le départ, on ne nous épargne rien de l’horreur traversée par les exilés, des charniers en Syrie à la noyade en mer, une mise au point très crue qui est salutaire. Les deux personnages principaux sont policiers tout comme l’auteur, mais l’un est un réfugié syrien tandis que l’autre vient de prendre ses fonctions à Calais. Le double point de vue est intéressant car il offre au lecteur la possibilité d’éviter le manichéisme. Le plus beau passage est probablement la rencontre avec ce chien devenu fou à force de chasser les migrants toutes les nuits pour éviter qu’ils ne montent dans les camions et qui mord toute personne à portée de mâchoire, le parallèle avec son maître étant évident. Certains flics sont des salauds, mais la plupart sont présentées comme des braves gars qu’on envoie faire le sale boulot. Cette position sur le fil était peut être tenable avant la présidentielle et le changement de gouvernement, qui depuis encourage fortement la répression et les dérapages violents. A quel moment obéir aux ordres est-il encore acceptable ? Regret aussi que si l’on voit le caractère inhumain de la politique appliquée à des êtres humains justement, celle-ci soit présentée comme inéluctable et qu’aucune remise en cause du système des frontières ne soit même abordée. La Jungle elle-même est assez crédible par rapport à celle que j’ai connu et l’on apprend dans les remerciements que l’écrivain y a dormi plusieurs nuits. L’intrigue quant à elle m’a moins intéressé que le contexte ou les personnages. Il reste un roman réaliste, dur, qui a le mérite de soulever un voile avec empathie sur un sujet dont on parle mal.

 

Vers la sobriété heureuse, Pierre Rabhi

J’avais emporté ce bouquin sur le tour Alternatiba car je voulais prendre quelque chose de facile à lire. Ce petit livre qui fut un best-seller constitue une critique de la modernité et de la société industrielle, qui aujourd’hui peut paraitre évidente mais l’était moins à l’époque de sa publication, changement auquel il a pu contribuer. C’est une synthèse des idées que Pierre Rabhi a développé dans ses nombreux ouvrages, peut-être celui qu’il faut lire si on n’en lit qu’un. Peut-être aussi est-ce la raison pour laquelle j’ai éprouvé un léger ennui, en plus du ton qui peut s’avérer parfois sentencieux.