Lectures 2017

Afin d’animer un peu ce blog où les publications se font beaucoup trop rares malgré la qualité des textes (le pire c’est que je le pense), j’ai eu envie de rapporter les lectures que j’ai effectuées cette année, comme il m’est arrivé de le faire auparavant. Malgré le manque de réaction habituel sur internet pour ce genre de sujet qui parfois me navre (oui, il y a encore des gens qui utilisent le mot « navre », si j’avais employé « déçoit » cela aurait été trop fort et laissé entendre que j’avais eu un espoir, en plus cela ressemble à « nacre » ou bien à « havre), j’avais eu des retours directement de certaines personnes et j’aime bien réveiller chez les gens des centres d’intérêt enfouis par le manque d’occasion et l’oubli. Par expérience, je sais que je vais fatiguer si je tente de rédiger une critique pour les 25 titres découverts cette année et certains n’étaient ni assez bons ni assez mauvais pour mériter une telle attention, donc je me contenterai de les citer dans ce cas.

 

L’honorable barbare de L. Sprague de Camp

 

Today we live d’Emmanuelle Pirotte

Une heureuse surprise ! En effet, d’une part je ne suis pas fan de la majorité de la littérature contemporaine qui pour le coup me déçoit souvent et d’autre part, le sujet ne m’attirait pas tellement : pendant la seconde guerre mondiale dans les Ardennes, une petite fille juive est épargnée par un soldat allemand qui fait tout ensuite pour la protéger. La curiosité m’a poussé à entamer cette fiction car l’auteure est la mère d’une amie et parce que, si vous voulez tout savoir (ce dont je doute), j’ai pu mettre la main par hasard sur un exemplaire ayant appartenu à Catherine Clément dans un vide-grenier. Surpris oui, tout d’abord par la qualité du style si mes souvenirs sont corrects, signe qu’on l’a laissé suffisamment murir pour ne conserver du texte que sa substantifique moelle. Surpris aussi par les personnages qui finalement sont assez attachants. Surpris surtout par le « scénario » efficace qui n’en fait ni trop, ni pas assez. Alors certes, le caractère extraordinaire des deux protagonistes ôte un peu de crédibilité à l’histoire, mais cela n’enlève rien au reste.

 

Atomic Bomb de David Calvo et Fabrice Colin

Ce livre est complètement barré. La quatrième de couverture le décrit d’ailleurs comme « une sorte de roman de science-fiction hommage à la Beat Generation avec des surfers bourrés au LSD, des écureuils londoniens, des extraterrestres en forme de poire et des rats en guerre contre Nintendo. » Visiblement les chapitres ont été écrits à tour de rôle par ces écrivains qui se sont amusés à compliquer la tâche de leur co-auteur en amenant l’intrigue à des sommets d’absurdité. Un délire entre potes quoi, que j’aurais envoyé à un ami d’enfance si j’en avais eu la possibilité. Le résultat n’est pas un chef d’œuvre mais ne prétend pas l’être et m’a bien fait marrer.

 

Les luttes de classes en France de Karl Marx

Cela faisait un moment que j’avais envie de lire Karl Marx, suite à plusieurs discussions avec des gens rencontrés au Mexique et à Calais, ainsi qu’à la lecture de L’homme révolté d’Albert Camus et au visionnage de la vidéo d’Usul sur Bernard Friot. Ce n’est pas l’ouvrage le plus célèbre de ce penseur, puisqu’il a été écrit dans sa jeunesse juste après les événements qu’il décrit, c’est à dire l’échec de la seconde république en France avec au final la prise de pouvoir de Napoléon III en 1850. C’est probablement suite à ce constat que Karl Marx considèrera que toute république est forcément bourgeoise et qu’il abandonne l’idée d’une démocratie représentative (voir d’une démocratie tout court). Ce que j’ai trouvé frappant dans ce texte c’est le mélange d’intuitions parfois géniales (par exemple l’asservissement de l’état aux banques par le système de la dette qui est aujourd’hui tout à fait d’actualité avec la situation de la Grèce) et de mauvaise foi consommée qui le fait remettre en cause les intentions de tout individu n’ayant pas exactement les mêmes opinions que lui. En tant que licencié en sciences humaines j’ai même été consterné que tant de personnes aient pu se référer à lui en tant qu’historien alors qu’il s’agit avant tout d’un idéologue. En même temps il fait preuve d’une grande érudition et certaines de ces critiques de la république touchent justes. Gageons que ses écrits postérieurs sont plus matures.

 

La horde du Contrevent d’Alain Damasio

Un très bon roman devenu un classique de la fantasy française et qui m’a été conseillé par énormément de monde. Le style est recherché avec une véritable ambition littéraire, l’univers et les personnages sont complexes et l’épopée possède un véritable souffle. J’ai tout de même ressenti une très légère déception par rapport à mes attentes et dans un créneau similaire je lui préfère Gagner la guerre de Jean-Philippe Jaworsky

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The Spanish civil war: A very short introduction d’Helen Graham

Un livre que j’ai acheté lors de la visite du Musée mémorial de l’exil à La Jonquera, lors d’un séminaire sur les réfugiés à travers l’exemple de la guerre d’Espagne. Il est en anglais mais facile à lire et très intéressant, dans un format qui est plus ou moins l’équivalent d’un « Que sais-je ? » Pour reprendre les mots de Paul Preston, qui est apparemment le spécialiste le plus respecté sur le sujet : « This is far and away the best short introduction to the Spanish civil war that I have read in any language. »

 

60 jours et après de Kim Stanley Robinson

Pour une critique complète voir ici.

 

Lorenzaccio d’Alfred de Musset

 

L’invention des musées de Roland Schaer

 

Les nuits difficiles de Dino Buzzati

 

Rue des Boutiques Obscures de Patrick Modiano

 

Désobéissance civile et démocratie d’Howard Zinn

Lorsque je suis revenu de la Jungle de Calais en octobre 2016, beaucoup de mes croyances avaient été violemment remises en question par ce dont j’avais été témoin. Parmi celles-ci, la croyance partagée par la majorité d’entre nous que l’état de droit s’applique généralement dans notre pays et que lorsque par aventure il n’en est rien, il s’agit d’un dysfonctionnement ou d’un abus marginal qui ne remet pas en cause l’ensemble du système. Pourtant, j’avais constaté de visu que les droits les plus élémentaires sont déniés aux plus faibles (dans le cas présent les réfugiés, mais comme je m’en suis rendu compte par la suite, c’est vrai dans une moindre mesure pour les « jeunes des cités », les personnes âgées dépendantes et les SDF) par le système lui-même. C’est à mon retour que j’ai découvert sur le compte facebook d’un ami une vidéo de Matt Damon lisant un extrait d’Howard Zinn sur la désobéissance civile :

Enthousiasmé par ce premier aperçu qui m’ouvrait la perspective de nouvelles découvertes intellectuelles, je me suis renseigné sur cet historien connu pour son Histoire populaire américaine et j’ai demandé le livre à ma bibliothèque, qui a refusé l’acquisition sous le motif qu’il s’agit d’un auteur trop pointu, mais m’a permis une fois le livre commandé et la lecture achevée, de le prêter à la magnifique rousse qui travaille là-bas. Pour en revenir au bouquin, il s’agit d’un ensemble d’essais sur des sujets politiques écrits à différentes périodes de sa vie et qui ont notamment pour sujet la guerre, la justice et le travail traités à chaque fois sous un angle remettant en cause les discours dominants. Si Martin Eden fut le roman le plus stimulant que j’ai lu cette année, l’ouvrage d’Howard Zinn en est le pendant en ce qui concerne la non-fiction.

 

Le prophète blanc de Robin Hobb

 

La secte maudite de Robin Hobb

 

Martin Eden de Jack London

Il y a un mobile-home dans le camping des bénévoles à Calais, où j’ai vécu une semaine dans une sorte de collocation temporaire et que j’apprécie pour sa convivialité. Aussi c’est avec plaisir que j’y suis retourné en visiteur un peu moins d’un an après et que j’y ai trouvé ce livre laissé sur une étagère par un des précédents occupants. Martin Eden est souvent considéré comme le chef-d’œuvre de Jack London, point sur lequel je ne m’engagerai pas car j’avais énormément apprécié ses récits se déroulant dans le grand nord, découverts en même temps que ceux de Mark Twain et de Robert Louis Stevenson dans la Bibliothèque de l’Aventure durant mon adolescence, mais c’est plus certainement le titre qui est souligné en rouge dans mon carnet de lecture comme celui qui m’a le plus marqué cette année. L’histoire, inspirée librement de la vie de l’auteur, est celle d’un marin un peu frustre qui décide de rattraper son manque d’éducation et de devenir écrivain afin de pouvoir demander la main d’une jeune fille de la haute société dont il est éperdument tombé amoureux. Petit à petit, ses études acharnées bouleversent sa vision du monde et confirment ce dont il avait déjà l’intuition, à savoir qu’il est plus malin que les autres. Ce roman possède d’immenses qualités. Tout d’abord, bien que l’action en elle-même soit réduite à la portion congrue, il a le souffle des récits d’aventure qui empêche tout ennui d’apparaitre. L’histoire se concentre sur la romance et les difficultés financières du héros qui permettent de maintenir le suspense, même si cela fonctionne plus grâce à l’art de raconter de l’auteur qu’à l’intrigue en elle-même ou au style. Mais surtout, Jack London fait preuve dès les premières pages d’une description très précise de la société et des rapports de classe, qui évolue lentement avec le regard de Martin Eden né trop tôt pour se savoir surdoué, vers le constat désespéré de la médiocrité de l’essentiel de l’Humanité.

 

La magnificence des oiseaux de Barry Hughart

« Un truc bizarre » ou « ça ressemble à du Terry Pratchett mais ce n’est pas exactement la même chose », c’est comme cela qu’on m’avait décrit cette série de fantasy humoristique se déroulant dans la Chine antique et j’avoue avoir du mal à faire mieux. Vaut le coup d’œil pour le moins.

 

Sur la lecture de Marcel Proust

Quiconque se pique de littérature ne sera pas surpris si j’affirme que Proust est probablement le plus grand écrivain français de tout les temps (déso pas déso Flaubert, t’es un génie quand même.) Quel plaisir de retrouver sa prose, dans un essai qui déjà s’inspire des souvenirs de son enfance avec un art consommé de la digression, comme il le fit pour sa Recherche. Ce texte relativement court donc, m’a donné envie de me remettre à cet auteur que j’avais étudié au lycée, agissant comme une certaine madeleine.

 

Désobéir de Frédéric Gros

Ma critique ici.

 

Moi, candidat de Mark Twain

 

Le fantôme de l’opéra de Gaston Leroux

 

Kôsaku de Yasushi Inoue

Le récit touchant sous la forme d’un roman, de l’enfance de l’auteur dans un village reculé du Japon au début du 20ème siècle. Intelligent et bien écrit.

 

En avant, route ! d’Alix de Saint-André

 

Vers la révolution intérieure de Krishnamurti

J’ai été assez déçu par ce livre, alors que cela faisait plusieurs années que je me promettais de lire ce grand penseur spirituel indien du 20ème siècle, qui a inspiré notamment Aldous Huxley. La raison en est-elle qu’il s’agit ici de la retranscription de différentes conférences qu’il a données à travers son pays, d’où l’oralité du style et une inévitable répétition ? Mystère.

 

Un amour de Swann de Marcel Proust

Après avoir découvert Proust en première littéraire grâce à un prof extraordinaire, il m’avait fallu plusieurs années avant de lire en entier le premier tome d’A la recherche du temps perdu d’où provenaient les extraits étudiés en classe. En effet, au-delà de ses phrases à rallonge qui demandent un effort de concentration même au lecteur aguerri, les thèmes abordés et le point de vue ne sont pas forcément ceux qui parlent le plus à un adolescent. J’en avais gardé un bon souvenir cependant et c’est avec plaisir que je me suis replongé dedans. Ce second livre m’a un peu surpris, car bien que l’on retrouve le style magnifique de l’auteur, sa quête poétique du souvenir est un peu suspendue par cette histoire d’amour vécue par Swann, personnage dont Proust parle à la troisième personne mais dont on devine que les origines puisent bien souvent en lui-même. J’y ai apprécié la critique sociale des milieux bourgeois et aristocratiques que je n’avais pas perçue dans Combray, bien qu’elle y soit en mode mineur et qui est faite non sans humour sur un constat désespéré. En revanche, malgré toute l’admiration que j’ai pour cet auteur, je dois avouer m’être plusieurs fois ennuyé devant les développements quasi sans fin des sentiments du personnage principal, dont la mollesse d’esprit finit en outre par devenir agaçante. Mais peut être cela était-il nécessaire tellement Proust est l’écrivain de l’infime et écrit sur ce qui échappe aux autres, comme lorsqu’une phrase musicale entendue lors d’une soirée mondaine lui fait prendre conscience du moment précis où il comprend que son amour s’éteint.