Lectures 2018 – première partie

Comme l’année dernière, je vous propose un compte-rendu totalement subjectif des lectures que j’ai effectuées. Il ne s’agit pas des nouvelles publications, exercice que je trouve un peu vain malgré son succès auprès des blogueurs et des journalistes, car il est impossible pour un lecteur d’avoir épuisé le champ des possibilités de découverte des chefs-d’œuvres écrits au cours du temps. De plus, il n’y a pas tellement de livres valant véritablement la peine qui sortent au même moment et je n’ai pas tant le goût de la nouveauté ou du marketing. Ce qui fait la spécificité de cette année 2018 est le relatif faible nombre que je vais vous présenter. Seulement une quinzaine ! En effet cela fait exactement dix ans que je n’en avais pas terminé si peu. Les raisons sont en partie les mêmes qu’à l’époque : le très grand nombre de « non-fictions » pour la première fois majoritaires, qui même lorsqu’elles sont intéressantes nécessitent un peu plus d’effort qu’un roman dont on va facilement tourner les pages même si l’on n’est pas totalement convaincu. A cela s’ajoute la cohorte habituelle des bouquins que j’abandonne en cours de route et que je me refuse par conséquent à critiquer (la relecture de plusieurs centaines de pages de « Vingt ans après » pour combler mes insomnies en fait partie). Enfin, mon départ sur les routes pendant presque deux mois d’été dans des conditions qui me laissaient peu de temps libre y a également contribué.

 

Débuter son potager en permaculture, Nelly Pons et Pome Bernos

Un petit ouvrage pratique né de la collaboration des Éditions Actes Sud avec les Colibris (Kaizen). Facile à lire, il constitue une bonne introduction. J’ai particulièrement apprécié les dessins représentants par exemple les différents types de sol et les associations entre plantes, ainsi que les choix graphiques et de papier. Il faut cependant avoir conscience que le sujet est abordé de façon superficielle comme pour tout les livres parus dans cette collection et que quelqu’un de véritablement intéressé devra par la suite se tourner vers un autre ouvrage plus complet s’il veut aller plus loin.

 

Le soldat chamane 2. Le cavalier rêveur, Robin Hobb

J’avais relativement apprécié le premier tome étant donné les quelques originalités apportées dans cette série par ailleurs assez classique de « big commercial fantasy » (les réflexions sur le colonialisme, un peuple dont la culture est assez proche des indiens d’Amérique du Nord…) Malheureusement le second tome m’a un peu déçu. L’essentiel de l’intrigue tourne encore autour de la peste et se conclut exactement de la même manière par la mort d’un certain nombre de personnages, au point que je m’interroge sur la facilité de se complaire dans la description de la souffrance qui apparaît souvent dans ce genre (cf L’épée de vérité de Terry Goodkind). Quelques bonne idées comme la transformation physique du personnage principal qui devient obèse suite à la maladie et doit subir le jugement de ses proches. Malgré tout, l’intrigue fait du surplace et semble pâtir du manque d’inspiration de l’auteur.

 

Vendre ses photos, Joëlle Verbrugge

Clair et complet, une référence dans ce domaine. Un énorme travail effectué par Joëlle Verbrugge qui par ailleurs fournit sur son site Droit et Photographie des information utiles aux photographes, bien souvent perdus face à la complexité du droit et l’étroitesse d’esprit des administrations chargées de l’appliquer.

 

La science du Disque-Monde, tome 1, Terry Pratchett, Ian Stewart et Jack Cohen

Un excellent ouvrage que je recommande chaudement pour tout ceux qui sont curieux et ne sont pas complètement allergiques à la réflexion scientifique. Comme précisé dans la préface, il ne s’agit pas ici, comme c’est souvent le cas, d’imaginer comment le Disque-Monde pourrait fonctionner scientifiquement (ce qui serait stupide selon Terry Pratchett), mais de faire découvrir la science valable dans notre monde à travers l’observation de celui-ci par les mages de l’Université de l’invisible. Un chapitre sur deux se présente donc sous la forme d’une histoire du Disque-Monde toujours aussi jouissive à lire, tandis que les autres abordent du point de vue scientifique les sujets évoqués dans la fiction. L’exercice extrêmement casse-gueule est étonnamment réussi. La partie fictionnelle est vraiment drôle et la partie plus « sérieuse » facile à lire et complète. Cela est probablement du en partie au fait que le créateur du Disque-Monde possédait lui-même de solides notions scientifiques en plus de son incroyable humour et de son imagination. Ce livre a contribué après la chaîne Youtube e-penser à me réconcilier avec la science, que l’on m’avait appris à détester à l’école par son enseignement stupide, tout comme je l’ai fait auparavant avec la philosophie.  Par rapport au travail par ailleurs excellent de Bruce Benamran, Ian Stewart et Jack Cohen qui sont professeurs à l’université de Warwick vont encore plus loin, car plutôt que de nous apprendre les règles établies selon l’état de la science d’aujourd’hui, ils nous introduisent au raisonnement scientifique et par un même mouvement au caractère étrange et merveilleux du monde. Notre monde.

 

Janua Vera, Jean-Philippe Jaworski

De l’auteur, j’avais vraiment aimé Gagner la guerre qui reste aujourd’hui l’un de mes bouquins préférés en fantasy et l’une de mes plus belles découvertes de ces dernières années. C’est la raison pour laquelle j’ai eu l’idée de rechercher dans la bibliothèque où je vais s’il s’y trouvait d’autres pépites de sa confection. Janua Vera est un recueil de nouvelles se déroulant dans le même univers et pour lequel a d’ailleurs été inventé le personnage incroyable de Benvenuto Gesufal, dont l’histoire est plus longuement contée dans le roman sus-cité. Il est révélateur que le court récit où il apparait est le plus réussi de tous, car si les autres sont clairement au-dessus de la plupart des productions du genre, il leur manque le ton donné par cette fripouille pour obtenir le subtil cocktail qui surpasse le simple talent. Jean-Philippe Jaworski raconte justement dans la préface de cette édition comment l’assassin est revenu le hanter de façon presque indépendante de sa volonté, témoignage de l’importance de trouver la « graine de personnage » selon l’expression utilisée par une amie metteur en scène, afin de pouvoir l’incarner de façon vivante. Ceci est valable également dans le jeu de rôle, univers que l’auteur connait très bien pour en avoir inventés et qui a probablement influencé son écriture. Malgré tout, les autres protagonistes sont loin d’être de fades figures et je me souviens particulièrement de ce barbare frustre perdu en terre étrangère, que la rencontre avec une sorcière va aider à accepter la perte d’un enfant. Pour conclure, un excellent recueil de nouvelles de fantasy qui, sans atteindre le génie du roman qui suivit, fut pour l’écrivain à la fois un coup d’essai et un coup de maître.

 

La convergence des consciences, Pierre Rabhi

C’est un livre que j’ai lu dans un contexte très particulier, puisque c’était lors d’une retraite dans un centre de méditation bouddhiste. De là vient le fait que j’ai des souvenirs très aigus de la semaine où je l’ai parcouru et où je me consacrais avant tout à la pleine conscience, coupé par exemple de tout accès à internet. Je me remémore sans difficulté la subite averse de grêle, ainsi que l’oiseau mort dans l’encoignure d’une fenêtre de l’ancienne ferme où je prenais le temps de lire avant de me coucher. Cet environnement fut propice à la rencontre avec un auteur qui effectue lui-même des retraites dans un monastère chrétien et qui vit en contact avec la nature qui m’entourait à ce moment-là. Il fut également idéal pour la concentration, puisque j’ai lu et compris la totalité du hors-série réalisé par La Vie et Le Monde sur Albert Einstein qui était pourtant assez exigeant. Le livre de Pierre Rabhi se présente sous la forme d’un abécédaire et le ton d’un journal, où il reprend la même rengaine que d’habitude sur la sobriété heureuse. Étonnamment, bien qu’il ne s’agisse pas du tout d’une publication indispensable, la liberté de l’exercice a fait que j’ai trouvé la lecture plus agréable que certaines de ses leçons morales. On y apprend par exemple son estime pour Keny Arkana, même s’il regrette la violence de certaines paroles de ses chansons. En somme, une promenade en compagnie d’un homme qu’il ne faut pas considérer comme un gourou, mais qui peut malgré tout nourrir une réflexion.

 

Les vagabonds du rail, Jack London

Après avoir dévoré L’appel de la forêt à l’adolescence, Jack London est un écrivain que j’ai redécouvert plus récemment avec Martin Eden, ce qui m’a donné envie de lire tout ses livres comme c’était déjà le cas avec d’autres. La route ou Les vagabonds du rail est un ensemble de plusieurs récits autobiographiques sur une partie de sa jeunesse, durant laquelle il a traversé les États-Unis à plusieurs reprises en tant que passager clandestin dans des trains de marchandise. Plus que le style, ce sont les anecdotes et l’expérience de ce monde vu de l’intérieur qui font la valeur de ce texte, ainsi que bon nombre de réflexions personnelles. On comprend alors pourquoi Jack London fut aussi clairement socialistes et le romancier préféré du voyageur Christopher McCandless dont l’histoire est racontée dans Into the wild. On perçoit aussi l’influence évidente qu’il a pu exercer sur la Beat Generation, dont un autre Jack qui écrivit… Sur la route. Ce n’est pas une œuvre majeure, mais elle contient certaines leçons de vie. Ironiquement, j’ai donné mon exemplaire à un hébergeur citoyen lors de ma première étape de la Marche solidaire pour les migrants, en échange d’une bande-dessinée de la série Corto Maltese… dont Jack London est un personnage récurrent.

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